Retrouvez les principales décisions rendues durant le mois de janvier 2024 en matière de droit de l’urbanisme, d’aménagement et de droit immobilier public.

Le Cabinet NOVLAW Avocats accompagne ses clients de façon transversale en droit immobilier et en droit public.

Dans cet arrêt, le Conseil d’État rappelle d’une part que les dispositions de l’article L. 122-9 du code de l’urbanisme ont pour effet de protéger les espaces qui relèvent du patrimoine naturel et culturel montagnard.

Les documents d’urbanisme (PLU) et les autorisations d’urbanisme (permis de construire, permis d’aménager, déclarations préalables) qui sont délivrées dans ces territoires doivent être compatibles avec les exigences de préservation de ces espaces et ils doivent prévenir contre les risques susceptibles d’être causés aux « habitants naturels qui y sont situés ».

Les règles tirées de l’article L. 122-9 du code de l’urbanisme n’ont donc pas pour effet de prévenir les risques causés aux chouettes chevêchettes d’Europe, qui sont des rapaces caractéristiques des espaces montagnards.

D’autre part, le Conseil d’État estime que le principe d’impartialité n’impose pas que la formation de jugement se prononçant sur le sursis à statuer, dans l’attente d’une régularisation en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, doive être distincte de celle amenée à se prononcer définitivement sur le litige en cause.

CE, 17 janvier 2024, Association bien vivre en pays d’Urfé, n°462638

Permis de construire et caractère agricole de l’activité de méthanisation

Dans cette affaire, il convenait de déterminer si une activité de méthanisation relevait ou non d’une activité agricole, entrant de ce fait dans les exceptions des règles de marge de recul de certains bâtiments, prévu par le Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la commune.

À cet égard, les dispositions des articles L. 311-1 et D. 311-18 du code rural et de la pêche maritime donnent également une définition des activités agricoles afin de déterminer ce qui rentre dans cette notion.

Alors que le juge des référés relève que la méthanisation d’une activité n’a pas d’incidence sur la légalité du permis de construire, le Conseil d’État censure cette décision en estimant au contraire qu’il était nécessaire de regarder si le projet d’unité de méthanisation pouvait être regardé comme une activité agricole au regard de la définition du règlement du PLU de la commune ainsi que du code rural et de la pêche maritime.

CE, 17 janvier 2024 Société Agri Bioénergies, n°467572

Intérêt à agir du voisin immédiat : pas de présomption irréfragable

Dès lors qu’il fait état d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction le voisin immédiat dispose d’un intérêt à agir présumé contre un permis de construire (CE, 13 avril 2016, n° 389798).

Toutefois, dans cette affaire le Conseil d’État considère que les requérants se sont bornés à faire état de leur proximité avec le projet contesté en se fondant sur un litige judiciaire portant sur la détermination d’une servitude de passage.

La demande des requérants est donc sans lien avec la nature, l’importance ou la localisation du projet de construction de nature à justifier d’une atteinte susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’ils détiennent, comme prévu par l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme.

CE, 19 janvier 2024, SARL société de développement durable, n°469266

L’appréciation de la saturation visuelle d’un projet éolien par rapport à la commodité du voisinage

La mise en service d’éoliennes soumises à une autorisation environnementale est notamment subordonnée à la constitution de garanties financières destinées à couvrir la remise en état du site en cas de défaillance de l’exploitant.

Les projets doivent également respecter les règles relatives à l’atteinte à l’environnement et aux paysages puisque dans le cas contraire, ils peuvent être refusés sur le fondement de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme.

Dans cette affaire, les requérants soutenaient que le projet autorisé pour l’exploitation d’un parc éolien de sept aérogénérateurs et trois postes de livraison électrique ne prévoyait pas de garanties financières suffisantes et qu’il serait de nature à créer un effet de saturation visuelle à partir de huit lieux qualifiés de pertinents proches d’un hameau.

Toutefois, il est possible de régulariser ce type d’autorisation environnementale selon l’article L. 181-18 du code de l’environnement.

La Cour administrative d’appel autorise donc la modification de l’arrêté préfectoral contesté sur les montants des garanties financières à constituer ainsi que sur l’obligation de financer la plantation de haies afin de réduire la saturation visuelle qui existe et améliorer la commodité du voisinage.

CAA Versailles, 26 janvier 2024, n° 21VE02980

La soumission d’un projet de PLU à l’avis conforme de la CDPENAF 

Lorsqu’une collectivité souhaite adopter un document d’urbanisme conduisant à réduire des surfaces affectées à la production bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP), elle doit préalablement obtenir un avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).

Ainsi, le Conseil d’État précise que les projets de documents d’urbanisme doivent faire l’objet d’un avis conforme de la CDPENAF, notamment lorsqu’ils portent sur la réduction de surfaces effectivement exploitées pour la fabrication de produits AOP et non sur les surfaces susceptibles de l’être.

CE, 29 janvier 2024, Ministre de la transition écologique, n°470379

Obligation de notification d’un recours contre un permis de construire délivré par le maire de Paris

Pour mémoire, selon l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, un recours (administratif et/ou contentieux) dirigé contre une autorisation d’urbanisme doit être notifié à son bénéficiaire ainsi qu’à son auteur, à peine d’irrecevabilité.

Dans cet arrêt, le Conseil d’État a admis qu’un recours puisse être notifié au maire d’arrondissement (de Paris) dans lequel se trouve le terrain d’assiette du projet.

Cet arrêt du Conseil d’État fait suite à sa jurisprudence estimant qu’un recours puisse être notifié au siège social de la personne morale bénéficiaire d’un permis de construire (CE, 20 janvier 2021, n°444581).

CE, 30 janvier 2024, M. B H… et autres, n°471649

Sur le changement d’usage des locations d’habitation pour une courte durée et la compensation prévue à l’article L. 631-7 du code de la construction

Sur le fondement de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, la Métropole de Bordeaux a décidé de mettre en place un régime d’autorisation pour les changements d’usage de locaux d’habitation en location meublée de courte durée et d’en déterminer les compensations.

Ainsi, un propriétaire qui entend louer son bien pour une courte durée (AirBnb par exemple) doit compenser cette location, en transformant un autre local ayant un autre usage, en local d’habitation.

La Cour administrative d’appel valide donc le principe instauré par le conseil métropolitain en estimant que cette règlementation est proportionnée aux objectifs poursuivis notamment au regard de la lutte contre la pénurie de logements dans la ville de Bordeaux et qu’elle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

CAA Bordeaux 30 janvier 2024, Association des hôtes de Bordeaux Nouvelle-Aquitaine, n°21BX04629

Autorisation de la copropriété pour le changement d’usage de locaux d’habitation

Dans cette affaire, le Tribunal administratif de Nice a annulé la délibération prise par le bureau de la Métropole Nice Côte d’Azur relative aux changements d’usage des locaux d’habitation situés dans la Ville de Nice.

En effet, cette délibération imposait aux propriétaires d’annexer à leur demande de changement d’usage, un document prouvant que leur copropriété les y autorisait (en fournissant notamment une déclaration sur l’honneur, un extrait du règlement de copropriété attestant que celui-ci ne s’oppose pas au changement d’usage ou à défaut, l’accord exprès de la copropriété).

Ainsi, les propriétaires auraient dû obtenir l’accord préalable de leur copropriété même si les statuts ou le règlement de la copropriété ne l’avaient pas expressément prévu.

Cependant, le Tribunal administratif considère qu’il s’agit d’une atteinte disproportionnée au droit de propriété garanti par l’article 2 de la Déclaration du droit de l’Homme et du citoyen de 1789.

En conséquence, la délibération a été annulée sur ce point.

TA de Nice, 31 janvier 2024, n°2104077

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

Cet article a été co-écris par Laurent Bidault et Célie Mendez Avocats Associés chez Novlaw Avocats.

Laurent Bidault Avocat - Novlaw Avocats

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