Engagée depuis près de deux ans et retardée par la crise sanitaire, la réforme des cahiers des clauses administratives générales vient d’aboutir.

Cette réforme des CCAG ne se limite pas à une simple uniformisation ou adaptation de ses stipulations aux dispositions du Code de la commande publique. Ainsi, comme le souligne la DAJ du ministère de l’économie, il s’agit de moderniser les CCAG, afin de prendre en compte les nouveaux enjeux de la commande publique : « levier au service de la protection de l’environnement et des populations les plus fragiles », simplification, meilleur équilibre des relations contractuelles entre acheteurs publics et entreprises et prise en compte des enjeux liés au numérique (dématérialisation, protection des données…) et au développement durable.

Ainsi, sont entrés en vigueur le 1er avril 2021 :

Le CCAG Travaux et le CCAG Maîtrise d’œuvre feront l’objet d’une analyse séparée.

Quelles sont donc les modifications apportées par cette réforme à ces CCAG ? Tour d’horizon.

Marchés publics : Les nouveaux CCAG PI, CCAG TIC, CCAG FCS et CCAG MI

Marchés publics : Les nouveaux CCAG PI, CCAG TIC, CCAG FCS et CCAG MI

Quel champ d’application ?

Les clauses d’un marché public « peuvent » être déterminées par référence à des documents généraux tels que « les cahiers des clauses administratives générales » (Article R.2112-2 du Code de la commande publique). La référence au CCAG est donc facultative.

Ainsi, comme le prévoit l’article 1er des CCAG PI, CCAG TIC, CCAG FCS et CCAG MI, ceux-ci s’appliquent aux marchés qui s’y réfèrent expressément. Le marché peut cependant déroger à certaines des stipulations des CCAG, pour autant que ces dérogations figurent dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ou dans tout autre document qui en tient lieu et font l’objet d’une liste récapitulative des articles des CCAG auxquels il est dérogé.

Ensuite, le (nouveau) préambule fait référence expressément à l’objet des marchés publics auquel se rapportent chacun des CCAG.

Ainsi, par exemple, il est prévu que le CCAG PI s’applique, par principe, aux marchés publics comportant une part importante de services faisant appel exclusivement à des activités de l’esprit, comme des prestations d’étude, de conseil ou d’expertise. A l’inverse, il est expressément mentionné qu’il ne s’applique pas aux prestations de maîtrise d’œuvre, s’agissant desquelles il faut se référer aux (nouveaux) CCAG applicables aux marchés publics de maîtrise d’œuvre (Notre analyse).

S’agissant du CCAG TIC, il est prévu qu’il s’applique, par principe, aux marchés qui ont un objet entrant dans le champ des techniques de l’information et de la communication (TIC), comme des marchés de fourniture de matériel informatique, de télécommunication ou encore logiciels commerciaux, mais aussi d’études et de mise au point de logiciels spécifiquement conçus et produits pour répondre aux besoins particuliers d’un acheteur public, d’élaboration de systèmes d’information ou encore de prestations de maintenance, de tierce maintenance applicative ou d’infogérance. Il est en revanche expressément mentionné qu’il n’est pas adapté aux marchés des techniques de l’information et de communication conclus par les acheteurs privés.

Le CCAG FCS s’applique quant à lui aux marchés de fournitures ou de services dits courants, comportant des prestations communes ou répétitives. Là encore, il est précisé expressément que ce marché n’est pas adapté aux marchés de fournitures et de services courants des acheteurs privés.

Enfin, le champ d’application du CCAG MI couvre les marchés industriels présentant une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : les prestations sont exécutées suivant les spécifications propres à l’acheteur public, leurs prix sont déterminés sur devis, une surveillance de la fabrication dans les établissements du titulaire est prévue. Il est expressément mentionné qu’il n’est pas adapté aux marchés industriels des acheteurs privés.

Enfin, le préambule de chaque CCAG rappelle expressément qu’un marché ne peut, « par principe », se référer qu’à un seul CCAG, sauf dans le cadre d’un marché global.

De la même façon, si certaines prestations « secondaires » sont régies par des stipulations d’un autre CCAG que celui en rapport avec l’objet principal du marché, alors ces stipulations doivent être reproduite dans le CCAP, « sans référence au CCAG dont elles émanent ».

Le principe est donc celui de la référence et de l’application d’un seul CCAG.

Quand s’applique les CCAG 2021 ?

Les CCAG sont entrés en vigueur le 1er avril 2021. Ils ont donc vocation à s’appliquer aux marchés publics pour lesquels une consultation a été lancée ou un avis d’appel à la concurrence envoyé à la publication, après cette date.

Cependant, une période transitoire est prévue jusqu’au 30 septembre 2021.

Ainsi, jusqu’au 30 septembre 2021, les marchés public, pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence envoyé à la publication entre le 1er avril 2021 et le 30 septembre 2021, sont réputés faire référence aux CCAG de 2009, sauf s’ils font expressément référence au nouveau CCAG 2021 applicable au marché.

Au 1er octobre 2021, seuls les CCAG 2021 trouveront à s’appliquer aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence envoyé à la publication, après cette date.

Intégration des enjeux liés au numérique et à la protection des données personnelles

Tout d’abord, les CCAG définissent désormais ce qu’il convient d’entendre par « information confidentielle », dans un sens large et protecteur des intérêts de l’acheteur (Articles 5 des CCAG PI, CCAG TIC, CCAG FCS et CCAG MI).

Ainsi, une information confidentielle désigne toute information de quelque nature (y inclus la méthodologie, la documentation, les informations ou le savoir-faire), sous quelque forme que ce soit (y inclus sous forme orale, écrite, magnétique ou électronique), sur tout support dont l’acheteur est propriétaire ou titulaire, et qui est communiquée au titulaire, ou obtenue de toute autre façon par ce dernier dans le cadre de ses relations avec l’acheteur.

Les informations non-confidentielles sont listées aux articles 5.1.4 des CCAG PI, CCAG TIC, CCAG FCS et CCAG MI.

Dans ce cadre, le titulaire et son personnel (et ses sous-traitants), ne peuvent l’utiliser que pour l’accomplissement des prestations prévues au marché.

Ensuite, l’enjeux de la réforme des CCAG a été également d’adapter ceux-ci à l’ère du numérique et à l’ouverture des données.

Ainsi, s’agissant de la protection des données personnelles, intégrant la RGPD, les parties sont désormais tenues au respect des règles, européennes et nationales, applicables au traitement des données à caractère personnel mis en œuvre aux fins de l’exécution du marché (Articles 5.2 des CCAG PI, TIC, FCS et MI).

Dans ce cadre, il est désormais prévu que toute transmission de données à des tiers, y compris au bénéfice d’entités établies hors de l’Union européenne, qui ne serait pas strictement conforme à la réglementation en vigueur est formellement prohibée.

Toujours conformément à la RGPD, l’acheteur est considéré comme le responsable du traitement des données et le titulaire comme son sous-traitant.

Afin de garantir le respect des exigences en matière de protection des données, le marché devra préciser notamment :

  • la finalité, la description et la durée du traitement dont la réalisation est confiée au titulaire dans le strict respect des instructions documentées du maître d’ouvrage ;
  • les obligations du maître d’ouvrage et celles du titulaire vis-à-vis de ce dernier en matière de traitement des données et d’application de la réglementation en la matière ;
  • les modalités de prise en compte du droit à l’information et des autres droits des personnes concernées, dont l’exercice doit être facilité ;
  • les mesures de sécurité mises en œuvre afin de garantir l’intégrité, la confidentialité et la disponibilité des données ;
  • la durée et les modalités de conservation des données ;
  • le sort des données à la fin de l’exécution du marché.

Le marché devra définir les pénalités applicables au titulaire en cas de méconnaissance de la réglementation en matière de données.

Surtout, le maître d’ouvrage pourra résilier le marché pour faute du titulaire en cas de manquement par celui-ci (ou de son sous-traitant) à ses obligations légales et contractuelles relatives à la protection des données personnelles (Article 39 du CCAG PI ; Article 50 du CCAG TIC ; Article 41 du CCAG FCS ; Article 44 du CCAG MI).

Les obligations en matière de confidentialité (Articles 5.1 des CCAG PI, TIC, FCS et MI) ou les stipulations relatives aux mesures de sécurité (Articles 5.3 des CCAG PI, TIC, FCS et MI) demeurent inchangées.

L’ensemble de ces obligations s’applique aux sous-traitants du titulaire (Article 5.4 des CCAG PI, FCS, MI et article 5.5 du CCAG TIC).

Pour conclure, on notera l’absence de l’open data dans les CCAG. En effet, le Code de la commande publique prévoit notamment l’obligation pour l’acheteur de rendre disponible un certain nombre de données essentielles liées au contrat (Article L. 2196-2 du Code de la commande publique pour les marchés).

L’absence de stipulations en ce sens dans le CCAG n’amoindrit pas cette obligation, pour autant il aurait pu être utile que soient par exemple précisées/rappelées les obligations des parties en la matière, ou encore les conditions dans lesquelles le titulaire communique ces informations…

Le prix et règlement des comptes du marché

Les stipulations relatives aux prix et au règlement des comptes demeurent, pour l’essentiel, inchangées.

Ainsi, la règle générale est que les prix sont réputés fermes (Articles 10.1 des CCAG-PI, TIC, FCS et Article 11.1 du CCAG MI).

En revanche, sont précisées les conditions d’actualisation des prix : pour l’essentiel, les prix sont ainsi actualisés dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur à la date à laquelle le candidat a fixé son prix dans l’offre, c’est-à-dire à la date de remise des offres (Article 10.2 des CCAG PI, TIC, FCS et article 11.2 du CCAG MI).

Concernant les avances versées au titulaire et de ses sous-traitants, les articles 11.1 des CCAG PI, TIC, FCS et l’article 12.1 du CCAG MI prévoient désormais deux options (A et B)  :

  • L’option A s’applique par défaut (en l’absence de mention dans le CCAP). Elle a vocation à favoriser l’accès des PME au marché. En effet, elle prévoit que le taux d’avance pour les PME est, quel que soit l’acheteur, de 20% (c’est à dire le taux pour l’État, ce taux étant de 10% pour les autres acheteurs – Article R. 2191-7 du code de la commande publique). Pour les autres opérateurs économiques, le taux d’avance est au minimum celui fixé par l’article R. 2191-7 du Code, soit 5% (du montant initial du marché ou à un montant égal à 12 fois le montant initial du marché divisé par sa durée en mois) ;
  • L’option B permet de fixer un taux d’avance correspondant aux minimums prévus par le Code de la commande publique (cf. supra).

Dans les deux cas, l’acheteur peut fixer des taux d’avance supérieurs à ceux prévus par le Code.

Les articles 11.9 des CCAG PI, TIC, FCS et l’article 12.9 du CCAG MI prévoient désormais l’obligation pour le titulaire (ou son sous-traitant admis au paiement direct) de transmettre ses factures sous forme électronique, en application des dispositions de l’article L.2191-1 du Code de la commande publique.

Pénalités et sanctions

Les pénalités (Article 14 des CCAG PI, TIC, FCS et article 15 du CCAG MI) s’agissant desquelles on peut particulièrement relever que leur montant total appliquées au titulaire pendant la durée du marché ne peut excéder 10% du montant hors taxes de l’ensemble du marché.

De même, le titulaire est exonéré des pénalités dont le montant total ne dépasse pas 1 000 euros hors taxes pour l’ensemble du marché.

Il est également prévu des pénalités en cas de violation des mesures de sécurité ou de l’obligation de confidentialité.

Intégration des enjeux de développement durable dans le cadre de la réalisation des prestations

Les CCAG prévoient désormais des stipulations spécifiques au développement durable (Articles 16 des CCAG PI, CCAG TIC, CCAG FCS et article 17 du CCAG MI) distinguant obligations en matière d’insertion sociale et clause environnementale générale.

S’agissant de cette dernière, les CCAG stipulent que les documents particuliers du marché précisent les obligations environnementales du titulaire dans l’exécution du marché et que, dans ce cadre, ces obligations doivent être vérifiables, selon des méthodes objectives, et faire l’objet d’un contrôle effectif.

En outre, le titulaire doit également s’assurer que son sous-traitant respecte ces exigences.

Les enjeux liés au développement durable et à la protection de l’environnement se retrouvent également dans les stipulations relatives au stockage, emballage, transport et gestion des déchets (Articles 20 des CCAG PI, CCAG TIC, CCAG FCS ; Article 29 du CCAG MI).

Ainsi, concernant les emballages, le titulaire doit, si cela n’est pas de nature à contrevenir aux règles sanitaires et d’hygiène, utiliser des contenants réutilisables, recyclés, recyclables, ou réemployés. De même, le titulaire doit veiller à réduire les quantités des contenants utilisés et à privilégier la livraison en vrac, si cela est possible.

De même, le titulaire reste propriétaire des emballages et il les collecte en vue de leur recyclage ou de leur réutilisation.

Concernant la gestion des déchets, le titulaire est responsable de la valorisation ou de l’élimination des déchets créés lors de l’exécution des prestations, et cela pendant toute la durée du marché.

Dans ce cadre, il doit veiller à ce que les opérations de collecte, transport, ou encore de tri soient effectuées conformément à la réglementation en vigueur ; il devra assurer la traçabilité des déchets et apporter tout justificatif en ce sens à l’acheteur à sa demande.

Il en va de même s’agissant de la livraison (Articles 21 des CCAG PI, CCAG TIC, CCAG FCS ; Article 30 du CCAG MI), le titulaire doit ainsi veiller à limiter l’impact environnemental des livraisons et du transport des produits proposés, notamment en favorisant les modes de transports les plus respectueux de l’environnement, notamment les véhicules à faibles émissions, les modes de transports doux ou alternatifs à la route.

Précisions sur le régime des prestations supplémentaires et modificatives

Les CCAG apportent des précisions sur le régime des prestations supplémentaires et modificatives (Articles 23 des CCAG PI, CCAG MI, CCAG FCS ; Article 25 du CCAG TIC).

Ainsi, si classiquement l’acheteur peut prescrire au titulaire du marché la réalisation de prestations supplémentaires, le titulaire ne doit apporter aucune modification aux spécifications techniques sans autorisation préalable de l’acheteur.

Lorsque l’acheteur prescrit des prestations supplémentaires, sa décision est notifiée au titulaire qui l’exécute.

Le cas échéant, le titulaire présente ses observations éventuelles dans un délai de trente jours.

Ces modifications sont notifiées par ordre de service.

Et, si elles ont une incidence financière, l’ordre de service arrête provisoirement le montant de ces modifications après consultation du titulaire.

A l’instar des autres CCAG, on relèvera la possibilité (nouvelle) du titulaire du marché de ne pas se conformer à un ordre de service prescrivant des prestations supplémentaires ou modificatives, dès lors que l’OS est dépourvu de toute valorisation financière, à condition que le refus d’exécuter soit motivé et expressément adressé à l’acheteur dans un délai de 15 jours suivant la notification de l’OS (Articles 23.2 des CCAG PI, CCAG MI, CCAG FCS ; Article 25.2 du CCAG TIC).

Il s’agit ainsi de prescrire ce qui est désigné comme les « ordres de service à zéro euro ».

La prise en compte d’évènements extérieurs comme la Covid-19

La Covid-19 n’est pas étrangère à l’ajout de l’hypothèse concernant l’interruption du marché et des prestations en raison d’évènements extérieurs (Articles 24 des CCAG PI, CCAG MI, CCAG FCS ; Article 26 du CCAG TIC)).

Ainsi, ce nouvel article prévoit la possibilité pour l’acheteur de prononcer la suspension des prestations, lorsque la poursuite de l’exécution du marché est rendue impossible du fait de l’édiction par une autorité publique de mesures venant restreindre, interdire, ou modifier de manière importante l’exercice de certaines activités économiques en raison d’évènements extérieurs.

Dans ce cadre, le titulaire a droit à la prise en charge des surcoûts directement induits par ces événements : surcoûts liés à la période de suspension, surcoûts liés aux modifications d’exécution du chantier, conséquences liées à la prolongation des délais d’exécution du marché.

Règlement des différends

Les stipulations relatives au règlement des différends ont été précisées (Article 46 du CCAG-PI ; Article 55 du CCAG TIC ; Article 46 du CCAG FCS ; Article 49 du CCAG MI).

Il est désormais précisé ce qu’il convient d’entendre par l’apparition d’un différend.

Ainsi, l’apparition du différend résulte :

  • soit d’une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l’acheteur et faisant apparaître le désaccord ;
  • soit du silence gardé par l’acheteur à la suite d’une mise en demeure adressée par le titulaire du marché l’invitant à prendre position sur le désaccord dans un délai qui ne saurait être inférieur à 15 jours.
  • soit de l’absence de décompte de résiliation dans un délai de 2 mois après la résiliation du marché.

Ensuite, il n’est plus question de « lettre de réclamation », mais de mémoire en réclamation, dans un souci d’uniformiser les CCAG et de prendre en compte ce qui se fait déjà en pratique.

Classiquement le mémoire en réclamation doit être communiqué à l’acheteur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu.

Il est précisé désormais que le délai de communication du mémoire en réclamation est prescrit à peine de forclusion.

Tout aussi classique, est distingué le cas des réclamations portant sur le solde du marché.

Dans ce cas de figure, le titulaire du marché dispose de deux mois, à compter de la notification de la décision prise par l’acheteur ou de la naissance de la décision implicite de rejet, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent. Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté cette décision.