La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 est venue modifier de nombreux aspects du droit des affaires. Cette loi établissant un « plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises », dite aussi loi PACTE, a ainsi eut une incidence sur les baux commerciaux, et notamment sur une clause très répandue en pratique : la clause de solidarité inversée.

Une clause de solidarité est une clause, qui, présente dans un contrat de bail, prévoit qu’en cas de de cession de bail, le cédant (le locataire initial) deviendra garant solidaire du nouveau preneur vis-à-vis du bail. Pour illustration, si le nouveau bénéficiaire de la cession de bail faillit au paiement du loyer et des charges auprès du bailleur, ce dernier pourra dès lors exiger le paiement au locataire initial.

Une clause de solidarité inversée prévoit, comme son nom l’indique, la situation inverse. C’est donc une clause qui, dans un contrat de bail, permettra au bailleur de pouvoir se retourner contre le cessionnaire dans le cas où le cédant faillirait à ses obligations, dans le cadre d’une cession de bail. Pour un exemple plus concret, c’est donc la personne qui va reprendre le bail qui devra répondre des éventuelles dettes locatives de l’ancien locataire, envers le bailleur.

Or depuis la loi PACTE, cette clause à vocation à être réputée non écrite dans certains cas de figure.

La loi PACTE a pour vocation, comme son nom l’indique, de permettre la croissance des entreprises, et c’est dans cet objectif précis que le législateur a imaginé l’article 64 de cette loi, qui est venu compléter l’article L. 642-7 du code de commerce.

Ainsi en son deuxième alinéa, cet article précise que : « […] toute clause imposant au cessionnaire d’un bail des dispositions solidaires avec le cédant est réputée non écrite ». Le choix du législateur est donc limpide : les clauses de solidarités inversées seront désormais neutralisées dans le cadre d’un plan de cession.

L’un des objectifs ayant motivé cette solution est de toute évidence la volonté du législateur de permettre la pérennité des emplois et des entreprises qui seraient dans des situations difficiles. En effet, avant cette loi, la présence d’une telle clause avantageait les bailleurs, car elle imposait au repreneur de répondre de toutes les dettes locatives de l’ancien locataire.

Cependant, cela mettait en péril la possibilité de retrouver un repreneur. En effet, dans l’hypothèse d’une dette importante, cela pouvait inciter un potentiel repreneur soit à ne pas effectuer d’offre, ou soit à minimiser le prix de cession (ce qui revenait à réduire comme une peau de chagrin le gage des créanciers, en plus de donner au bailleur un statut plus que privilégié parmi ceux-ci).

Aubaine des potentiels repreneurs, cette neutralisation vient cependant retirer un atout de choix qui appartenait alors aux bailleurs.

L’efficacité d’une clause de solidarité inversée en dehors du cadre d’un plan de cession

Malgré la dureté du législateur envers les clauses de solidarité inversée dans les baux commerciaux lors de plans de cessions, ces dernières ne semblent néanmoins pas avoir vocation à totalement disparaitre. En effet, la neutralisation de cette clause n’intervient que dans le cadre d’un plan de cession, signifiant alors que si ledit bail est cédé en tant qu’élément d’actif isolé, comme cela peut être le cas lors d’une liquidation judiciaire (en se fondant sur l’article L. 642-19 du code de commerce), la clause serait encore tout à fait applicable.

Cela était déjà le cas avant la réforme de la loi PACTE comme le montre l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 27 septembre 2011 (n° 10-23.539), mais cela semble toujours d’actualité. Ainsi, lors de la cession d’un bail commercial par un mandataire liquidateur en dehors de tout plan, s’il y a une clause de solidarité inversée au sein du bail, cette dernière a vocation à s’appliquer. Le repreneur dudit bail devra donc effectivement répondre des dettes locatives de l’ancien locataire.

Dénotant avec le caractère très protecteur de la réforme de la loi PACTE, cette solution s’inscrit cependant dans la logique du 5ème alinéa de l’article L. 641-12 du Code de commerce. De plus, la volonté du législateur étant initialement la protection des emplois, il serait étonnant que ce dernier modifie le droit positif dans un contexte où aucune reprise n’est envisageable et où toute chance de pouvoir maintenir des emplois se voit réduite à néant.

A l’aune de cette évolution, il semble donc qu’un bailleur commercial ayant prévu une telle clause, a dès lors intérêt à ce que soit prononcée une procédure de liquidation judiciaire au lieu d’une procédure de redressement judiciaire ou de sauvegarde. En effet, dans ce contexte, sont en jeu les dettes de l’ancien locataire.

La clause de solidarité inversée dans un bail commercial depuis la loi PACTE

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Cet article a été rédigé par Maître Baptiste ROBELIN en collaboration avec Faustine GERARD